Les reins
LA TERRE et le corps humain ont ceci en commun : pour qu’ils soient animés de la vie, l’un et l’autre ont besoin d’un filtre. La terre exige une protection constante contre les rayonnements dangereux du soleil. La couche d’ozone de l’atmosphère remplit ce rôle, tout en permettant à la lumière indispensable à la vie d’atteindre la terre. Et notre corps ? Nombre de processus chimiques qui s’y déroulent produisent des substances toxiques et des déchets qui aboutissent dans la circulation sanguine. S’ils y restaient, ils causeraient de graves troubles et même la mort. Ils doivent donc être continuellement retirés du sang au moyen de filtres. C’est cette fonction notamment que remplissent les reins. Mais comment ces petits organes reconnaissent-ils, isolent-ils et extraient-ils les substances dangereuses, tout en veillant à ce que les éléments vitaux ne soient pas éliminés et puissent nourrir le corps ?
Ce qui se passe dans vos reins Les humains ont en principe deux reins, situés de part et d’autre de la colonne vertébrale, dans la région lombaire. Chacun a une dizaine de centimètres de long, cinq de large et deux et demi d’épaisseur ; ils pèsent de 110 à 170 grammes. Pour vous représenter le mode de fonctionnement d’un rein, imaginez un stade devant accueillir des milliers de spectateurs. La foule commence par se diviser en de multiples files d’attente. Puis les gens de chaque file passent un à un par les portillons de sécurité, où les individus sans ticket sont refoulés. Les spectateurs dotés d’un billet d’entrée sont autorisés à passer et à prendre place. De la même façon, les nombreux éléments composant notre sang doivent circuler dans tout le corps. Ce faisant, ils sont obligés de passer à maintes reprises par les reins en empruntant de gros vaisseaux sanguins, les artères rénales, qui conduisent chacune à un rein. Lorsqu’elle pénètre dans le rein, l’artère rénale se divise en vaisseaux plus petits dans les zones périphériques et centrales du rein. Les différents composants du sang sont ainsi canalisés en “ files ” plus petites, ce qui en facilite le traitement. Le sang arrive finalement dans un peloton vasculaire composé d’une quarantaine de minuscules vaisseaux entrelacés. Chaque peloton, appelé glomérule, est entouré par une double membrane, la capsule de Bowman. L’ensemble formé par un glomérule et une capsule de Bowman constitue la première partie du ‘ portillon de sécurité ’ — un néphron — l’unité de filtration de base du rein. Il y a plus de un million de néphrons dans chaque rein. Mais ils sont si petits qu’il vous faudrait un microscope pour en observer un ! — Voir le schéma d’un néphron, très agrandi, sur l'illustration.
Les deux étapes de la filtration du sang Les cellules sanguines et les protéines présentes dans le sang sont indispensables. Elles rendent au corps des services vitaux comme le transport de l’oxygène, la défense de l’organisme et la réparation des dommages. Pour que la filtration n’entraîne pas la perte de cellules sanguines et de protéines, la première étape du processus de filtration consiste à les séparer des autres éléments. Cette tâche est accomplie par les capsules de Bowman. Comment remplissent-elles ce rôle ? Les vaisseaux qui pénètrent dans les glomérules se subdivisent en de minuscules capillaires aux parois extrêmement fines. Avec la pression sanguine, une partie de l’eau et d’autres petites molécules sont obligées de traverser la membrane des capillaires, sortant ainsi de la circulation sanguine pour pénétrer dans la capsule de Bowman et dans un tube enroulé appelé le tube contourné, qui lui est rattaché. Les molécules protéiniques, plus grosses, et toutes les cellules sanguines restent en circulation dans les capillaires. La filtration devient alors plus sélective. Les reins ne doivent laisser échapper aucun élément pouvant être utile au corps ! Le liquide qui s’écoule maintenant dans le tube est un mélange aqueux dans lequel des molécules utiles sont mêlées à des déchets et à des substances indésirables. Des cellules spécialisées placées sur la paroi du tube identifient les molécules utiles, comme l’eau, les sels, les sucres, les minéraux, les vitamines, les hormones et les acides aminés. Ces substances sont efficacement prélevées par la paroi du tube et réinjectées dans le réseau de capillaires voisin pour réintégrer la circulation sanguine. Les capillaires se rejoignent à nouveau pour former des veinules qui convergent avec d’autres et constituent la veine rénale. C’est par elle que le sang purifié quitte le rein et continue à entretenir la vie du corps.
L’évacuation des déchets Mais que devient le liquide resté dans le tube ? Il contient manifestement des substances dont le corps veut se débarrasser. Tandis que le liquide continue à couler le long du tube contourné en direction d’un tube collecteur, ou canal collecteur, des cellules de la paroi du tube contourné rejettent d’autres substances, parmi lesquelles de l’ammoniac, du potassium, de l’urée, de l’acide urique et de l’excédent d’eau. Ces composants s’additionnent pour former l’urine. Les canaux collecteurs de plusieurs néphrons se rejoignent et libèrent l’urine par des ouvertures situées au sommet des pyramides de Malpighi. L’urine passe par le bassinet, qu’elle quitte par l’uretère, le tube qui relie le rein à la vessie. L’urine est stockée dans la vessie avant d’être expulsée du corps. Malgré leur taille microscopique, les plus de deux millions de néphrons font un travail impressionnant. La Nouvelle Encyclopédie britannique dit : “ Les néphrons [...] filtrent la totalité des cinq litres de sang toutes les 45 minutes. ” Chez une personne normale et en bonne santé, après la réabsorption de différentes substances et la réalisation de nombreuses étapes, ce sont quelque deux litres d’urine qui sont expulsés toutes les 24 heures. Un système de filtration performant !
Nos reins se nettoient et se réparent d’eux-mêmes, ce qui leur permet de fonctionner pendant très longtemps. Nous avons cependant un rôle à jouer pour les aider à effectuer leur travail. Une grande quantité d’eau doit passer par les reins pour que nous restions en bonne santé. La consommation d’eau est vraiment fondamentale pour prévenir les infections rénales et la formation de calculs.
Autres fonctions du rein Les reins régulent donc les quantités d’eau et de sels minéraux de l’organisme. Mais il rend d'autres services à notre corps. En liaison avec son intervention sur le sodium et l’eau, le rein participe au maintien de la pression artérielle. Une baisse de la pression sanguine, par exemple, provoque la sécrétion par certaines cellules du rein d’une enzyme, la rénine. Celle-ci permet la formation d’angiotensine, laquelle active la synthèse par la glande surrénale d’une hormone, l’aldostérone. L’ensemble de ces trois substances constitue le système rénine-angiotensine-aldostérone (ou rénine-angiotensine). L’aldostérone provoque la rétention de sodium par le rein, suivie d’une rétention d’eau, et donc d’une augmentation du volume du plasma sanguin et d’une remontée de la pression artérielle. Le rein peut aussi réguler l’équilibre acido-basique en éliminant plus ou moins d’ions hydrogène H+ (acides) et bicarbonates HCO3- (basiques). Certaines fonctions du rein sont indépendantes des précédentes. C’est le cas de la transformation de la forme chimique de base de la vitamine D (inactive par elle-même) en une forme active sur les os. Par ailleurs, le rein est l’un des principaux organes producteurs d’érythropoïétine, hormone qui stimule la production des globules rouges par la moelle osseuse.
Comme d'habitude, en observant d'un peu plus près notre corps, nous réalisons à quel point celui-ci est bien conçu, à quel point dans le moindre détail tout est organisé pour accomplir des tâches complexes avec le meilleur rendement et la plus grande efficacité. |