La Photosynthèse

 

Le principe

Détachez une feuille verte d’un arbre ou d’une plante et examinez-la attentivement. Observez les nervures qui forment sa charpente. Il est difficile d’imaginer que vous tenez dans la main une usine compacte fonctionnant à l’énergie solaire, un laboratoire qui opère des prodiges dans le domaine de la chimie! Alimentées en énergie par la lumière du soleil, les plantes vertes utilisent le dioxyde de carbone (gaz carbonique), de l'eau et des minéraux pour produire, directement ou non, la nourriture de presque tout ce qui vit sur terre.

Mais contrairement aux usines laides qui crachent de la fumée, les plantes accomplissent leur travail en silence et, de surcroît, elles épurent l’environnement. En effet, au cours du processus, elles renouvellent l'atmosphère en assimilant le dioxyde de carbone et en libérant de l'oxygène pur.

Au total, on estime que les plantes vertes de notre planète produisent chaque année entre 150 et 400 milliards de tonnes de sucre ! Pour cela, elles prélèvent sur les molécules d'eau des atomes d'hydrogène qu'elles fixent sur des molécules de dioxyde de carbone, ce qui aboutit à la production de composés hydrocarbonés, autrement dit de sucres. C'est ce processus qui est appelé photosynthèse. A quoi servent ces sucres produits ? Les plantes les utiliseront comme source d'énergie, ou bien elles combineront les molécules de sucre de façon à synthétiser soit de l'amidon qui jouera le rôle de réserve physiologique, soit de la cellulose, substance fibreuse et résistante qui constitue le tissu végétal.

Mais comment cette usine fonctionne-t-elle exactement ?

En premier lieu, la feuille présente une surface relativement étendue pour être à même de recueillir l’énergie solaire. D’ordinaire le côté de la feuille exposé au soleil a un aspect brillant ; de plus il est imperméable et cela retarde l’évaporation de l’eau.

Sous la surface brillante, il y a une structure composée de minuscules cellules cylindriques qui se tiennent debout comme des fantassins alignés. On dit de cette structure qu'elle est palissadique, puisque les cellules sont rangées côte à côte, comme les éléments d'une palissade. La troisième strate n’est autre qu’un tissu spongieux et lacuneux, le parenchyme. C’est au niveau du parenchyme que se produit un miracle de la chimie: la photosynthèse. Note : un parenchyme est un tissu (ici végétal) fait de cellules peu différenciées.

La coupe d'une feuille ressemble à un gâteau fourré. Elle est composée de différentes couches de cellules dont l'ordre et le rôle est réglé d'une façon stupéfiante.

L'énergie lumineuse qui filtre à travers la couche brillante va atteindre les cellules cylindriques au-dessous. À l’intérieur de ces petites cellules se trouvent des unités encore plus infimes qui portent le nom de chloroplastes. Ils sont remplis d’un pigment, la chlorophylle, qui donne à la plante sa couleur verte, mais aussi la vie.

La troisième strate, le parenchyme, laisse de l’espace au gaz carbonique qui pénètre à l’intérieur de la feuille après avoir été aspiré par les stomates.

Examinons maintenant la face terne de la feuille. Bien que vous ne puissiez les voir, il s’y trouve des millions d’ouvertures (appelées stomates) qui agissent comme des soupapes d’admission et d’échappement. Les soupapes d’admission aspirent le gaz carbonique de l’air utilisé pour la photosynthèse. Lorsque la réaction est achevée, les soupapes d’échappement expulsent un sous-produit d’une valeur inestimable: l’OXYGÈNE PUR! Des stomates absorbent le gaz carbonique. D’autres stomates rejettent l’oxygène.

Le détail dans toute sa splendeur

Longueurs d'ondes et photosystèmes

À l'oeil nu, nous avons l'impression que toute la feuille est verte, mais ce n'est qu'une illusion. Si nous utilisons un microscope, nous nous rendons compte que prises individuellement, les cellules ne sont pas si vertes que cela. La plupart sont plutôt transparentes... mais chacune contient entre 50 et 100 petits points verts. Ces points verts sont les chloroplastes, à l'intérieur desquels se produit la photosynthèse. C'est là que se trouvent les chlorophylles, des pigments verts sensibles à la lumière. En fait, les chloroplastes ressemblent à des sacs contenant d'autres sacs encore plus petits, appelés thylacoïdes. Les chlorophylles sont incrustées près de la surface des thylacoïdes. Leur répartition n'est pas hasardeuse. Elles forment des ensembles hautement organisés qui ont reçu le nom de photosystèmes. La majorité des plantes vertes en comporte deux types : le PS1 (photosystème 1) et le PS2 (photosysrtème 2). C

Comme nous allons le voir, ces deux systèmes se répartissent les opérations correspondant aux différentes étapes de la photosynthèse.

Quand la surface d’un thylacoïde est exposée à la lumière du soleil, les troupes de molécules chlorophylliennes du PS2, qui constituent l’ensemble antenne-chlorophylle piège, sont à leur poste, prêtes à piéger l’énergie lumineuse. Ces molécules ont la particularité d’absorber une longueur d’onde précise de la lumière rouge.

Dans différentes parties du thylacoïde, les chlorophylles du PS1 guettent quant à elles les rayons lumineux d’une longueur d’onde un peu supérieure.

En même temps, les molécules des différents pigments (chlorophylles, caroténoïdes et autres) absorbent les lumières bleue et violette.

Alors, pourquoi l’herbe est-elle verte ? Eh bien, parmi les différentes sortes de lumière auxquelles sont exposées les plantes, seule la verte ne leur est pas utile. N'étant pas absorbée comme les autres lumières, elle est donc simplement réfléchie, et c’est pour cette raison que nos yeux, ou les objectifs de nos appareils photo, peuvent la capter, pour notre plus grand plaisir.

Déséquilibre par excitation et transfert d'électrons

Retournons dans le chloroplaste, et plus particulièrement dans le photosystème 2.

L’énergie provenant de la partie rouge du spectre lumineux est transmise aux électrons des molécules chlorophylliennes du PS2. Quand un électron est suffisamment “ excité ”, c’est-à-dire qu’il a reçu assez d’énergie, il est expulsé de la molécule et récupéré par un transporteur d’électrons dans la membrane du thylacoïde. Comme une danseuse de ballet qui passe d’un partenaire à l’autre, l’électron se déplace de molécule en molécule en perdant à chaque fois une partie de son énergie. Quand il n’est plus excité, il peut prendre la place d’un autre électron dans le PS1.

 

Mais le PS2, qui vient de perdre un électron, se retrouve chargé positivement et cherche à rétablir sa neutralité. Un peu comme quelqu’un qui s’aperçoit qu’on vient de lui voler son portefeuille, la région du PS2 connue sous le nom de système générateur d’oxygène est en pleine effervescence. Tiens, tiens ! Voilà justement une malheureuse molécule d’eau qui passe et qui risque d’avoir une mauvaise surprise.

Le dépeçage des molécules d'eau

Une molécule d’eau est constituée d’un atome d’oxygène et de deux atomes d’hydrogène plus petits. Dans le système générateur d’oxygène du PS2 se trouvent quatre ions de manganèse capables d’arracher leurs électrons aux atomes d’hydrogène de la molécule d’eau, laquelle est alors dissociée en plusieurs éléments : deux ions hydrogène chargés positivement (protons), un atome d’oxygène et deux électrons. Au fur et à mesure que les molécules d’eau sont démembrées, les atomes d’oxygène s’assemblent pour former de l’oxygène, un gaz que la plante rejette dans la nature et que nous utilisons pour respirer. Les ions hydrogène s’accumulent dans les “ sacs ” formés par les thylacoïdes, où ils peuvent être utilisés par la plante, et les électrons alimentent le PS2, qui peut alors recommencer le cycle. Chaque seconde, le phénomène se répète à de nombreuses reprises.

À l’intérieur du thylacoïde, les ions hydrogène accumulés commencent à vouloir sortir. Non seulement deux nouveaux ions arrivent à chaque fois qu’une molécule d’eau est “ cassée ”, mais quand des électrons passent du PS2 au PS1, ils attirent d’autres protons vers le PS2. Très vite, les ions hydrogène deviennent aussi frénétiques que des abeilles en colère dans une ruche surpeuplée. Comment peuvent-ils sortir ?

Production et Transport de l'énergie

Il se trouve que le génial Inventeur de la photosynthèse a doté le thylacoïde d’une porte à tambour qui ne laisse passer les électrons que dans un sens. Cette porte est constituée d’une enzyme servant à fabriquer une source d’énergie très importante pour la cellule : l’ATP (adénosine triphosphate). En poussant la porte à tambour pour sortir, les électrons fournissent l’énergie grâce à laquelle les molécules d’ATP usées sont rechargées. Les molécules d’ATP peuvent être comparées à de petites piles qui fournissent sur place à la cellule les apports d’énergie dont elle a besoin pour ses différentes réactions. Nous retrouverons ces molécules d’ATP un peu plus loin dans le processus de photosynthèse, quand nous parlerons de la chaîne de montage qui produit le sucre.

 

Outre l’ATP, une molécule de petite taille intervient dans la synthèse du sucre. Il s’agit du NADPH (une forme réduite de nicotinamide adénine dinucléotide phosphate). Les molécules de NADPH font office de transporteurs : chacune d’elles livre un atome d’hydrogène à une enzyme qui l’intègre dans la composition d’une molécule de sucre. C’est le PS1 qui est chargé de fournir le NADPH. Tandis que l’un des photosystèmes (le PS2) est occupé à dépecer les molécules d’eau et à synthétiser de l’ATP à l’aide de leurs constituants, l’autre photosystème (le PS1) absorbe la lumière et expulse des électrons qui seront utilisés pour la fabrication du NADPH. Les molécules d’ATP et de NADPH sont ensuite stockées à l’extérieur du thylacoïde en attendant leur utilisation sur la chaîne de montage du sucre.

La chaîne de montage du sucre

Des milliards de tonnes de sucre sont fabriquées chaque année grâce à la photosynthèse.

Et pourtant, les réactions photochimiques de la photosynthèse ne jouent à proprement parler aucun rôle dans l’élaboration du sucre. Tout ce qu’elles produisent, ce sont l’ATP (les “ piles ”) et le NADPH (les “ transporteurs ”). Ce n’est qu’à partir de ce stade que les enzymes du stroma, l’espace extérieur aux thylacoïdes, utilisent l’ATP et le NADPH pour fabriquer du sucre. En réalité, la plante est capable de faire du sucre dans l’obscurité complète !

On peut comparer le chloroplaste à une usine qui travaille en continu : deux équipes (le PS1 et le PS2) s’activant à l’intérieur des thylacoïdes sont chargées de fabriquer des piles et des transporteurs (ATP et NADPH) qui sont utilisés par une troisième équipe composée d’enzymes spécialisées travaillant à l’extérieur, dans le stroma. Cette troisième équipe fait du sucre en ajoutant des atomes d’hydrogène aux molécules de dioxyde de carbone ; pour cela, des réactions chimiques rendues possibles par les enzymes du stroma doivent se dérouler dans un ordre précis. Les trois équipes peuvent travailler de jour ; en revanche, seule la troisième peut travailler de nuit lorsque c’est nécessaire, c’est-à-dire aussi longtemps que les réserves d’ATP et de NADPH accumulées pendant le jour ne sont pas épuisées.

Pour avoir une idée de ce qu’est le stroma, pensez à une agence matrimoniale cellulaire, pleine d’atomes et de molécules qui veulent se “ marier ” mais qui n’y arriveront jamais sans un coup de pouce. Certaines enzymes ressemblent fort à des entremetteuses insistantes. Ce sont des protéines dotées d’une forme particulière qui leur permet de capturer des atomes ou des molécules spécifiques et de les faire réagir entre eux. Non contentes de présenter les futurs conjoints l’un à l’autre, les enzymes vont jusqu’à les rapprocher d’autorité, organisant une sorte de mariage biochimique forcé. Après la cérémonie, elles libèrent la molécule qu’elles ont contribué à former et recommencent leur manœuvre, encore et encore. Dans le stroma, les enzymes travaillent à une vitesse incroyable sur les molécules de sucre en cours d’élaboration. Elles les recomposent, leur fournissent de l’énergie grâce à l’ATP, leur ajoutent du dioxyde de carbone et de l’hydrogène et, enfin, libèrent un sucre à trois atomes de carbone qui sera transformé, ailleurs dans la cellule, en glucose et en de nombreux autres composés.

 

La photosynthèse est bien plus qu’une réaction chimique essentielle. C’est une symphonie biochimique d’une complexité et d’une subtilité stupéfiantes. L’auteur du livre Les processus vitaux des plantes (angl.) écrit : “ La photosynthèse est un processus remarquable et parfaitement réglé qui permet l’exploitation de l’énergie des photons solaires. L’architecture inextricable de la plante et les mécanismes génétiques et biochimiques incroyablement complexes qui régulent l’activité photosynthétique peuvent être perçus comme des raffinements du processus fondamental qui consiste à piéger les photons et à convertir leur énergie sous une forme chimique. ”

En d’autres termes, celui qui cherche à comprendre pourquoi l’herbe est verte se retrouve émerveillé devant une conception et des techniques extraordinaires, très supérieures à n’importe quelle réalisation humaine. Il découvre des “ machines ” microscopiques autorégulées et autoentretenues qui transforment la lumière solaire en sucre en parcourant des milliers, voire des millions, de cycles par seconde sans faire de bruit et sans polluer ni enlaidir l’environnement.

Lorsque la réaction est achevée, les soupapes d’échappement expulsent un sous-produit d’une valeur inestimable: l’OXYGÈNE PUR!

L’air que vous respirez est constitué pour 20 pour cent d’oxygène. En une journée, vous avalez environ 3 000 litres de ce gaz. Mais vous consommerez seulement le quart de cette quantité, soit 750 litres, pour les besoins réels de votre organisme. Multipliez ce chiffre de 750 litres (l’équivalent de la consommation quotidienne) par le nombre d’habitants de la planète et vous vous rendrez alors compte que la respiration à elle seule emploie une quantité fantastique d’oxygène. Sans compter les milliers de tonnes d’oxygène qui sont consommées chaque seconde pour satisfaire d’autres usages (comme la combustion des moteurs d’automobiles par exemple). Mais qu’est-ce qui nous empêche de dépenser les réserves d’oxygène de la terre et d’étouffer ainsi progressivement?

C’est l’oxygène obtenu par la fonction de la photosynthèse qui s’effectue dans les feuilles des plantes terrestres et aquatiques.

Dans de nombreuses régions de la planète, comme le Brésil, on déboise de grandes étendues de forêt beaucoup plus vite que la nature ne les remplace. Il est temps de réagir !

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